C’était Pour Laërte



Installation réalisé dans le cadre de la résidence Point de Liage sur Echiquier Perforé.
Composée de : 
- une chambre noire / tipi peinte
- un établi de chêne et de merisier sculpté à la gouge
- une table de montage en merisier, chêne et platane
- pellicule tissée en lin et montée sur des bobines en céramique et laurier

2022


Crédits photos : Gaëlle Deleflie












“Au sein de la résidence Points de liages sur échiquier perforé, Calypso Debrot trace les liens qui unissent cinéma et tissage. Il s’agit de retrouver les gestes premiers, ceux qui inscrivaient dans la trame des sens et significations qui aujourd’hui se perdent et disparaissent. Au travers de techniques marginales, expérimentales ou ancestrales, l’artiste part à la recherche d’une forme pure de narration.”


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Pénélope a fait du tissage un symbole mythologique en tissant chaque jour et en détissant chaque nuit. Ce qu'elle tissait devait être le linceul de Laërte, le père d’Ulysse. Le tissage a toujours ( comme le cinéma ) servi à garder / conserver / respecter les morts. Par ailleurs et c'est très important, Imago, soit l'ancêtre du mot "image" vient de cette couche de cire qu'on appliquait sur le visage des morts afin de garder leur empreinte. Les momies sont enroulées dans des bandelettes tissées de lin, et les premières images argentiques se sont posées aussi fréquemment sur des vivants que sur des cadavres..
Retenir la lumière ou retenir la vie par le biais de procédés de conservation ...


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Le projet que j’ai mèné au sein du programme Point de liages sur Échiquier Perforé, m’a amèné à considérer avec plus encore de conscience et d’implication le rapport que nous entretenons avec le monde végétal, et plus largement avec le monde sauvage (qu’il soit minéral, végétal ou animal). Si nous nous accordons pour dire qu’il est l’un des enjeux central de notre époque, qu’il est le terreau des origines de toutes nos cultures et savoirs-faire, on lui cède dans notre vie quotidienne une place très petite, absurde…

Tandis qu’à nouveau nous cherchons à entrer en contact avec lui, nous ré-apprenons les gestes et énergies qui nous viennent, pas toujours spontanément, afin de comprendre son langage. Peut-être alors, sentons nous que nos oreilles ont été façonnées par le cri du loup, par le bruit du vent, par les chants des vagues ; que nos yeux savent reconnaître plus facilement qu’on ne pourrait le croire les différentes espèces végétales, et que finalement nous sommes bien à notre place dans la physicalitée de la nature. Mais il ne s’agit pas de retrouver dans le monde sauvage le même système d’ordonnancement qui prévaut dans nos cultures dites civilisées, on se mettrait alors à manger des colchiques au lieu d’ail des ours, non, il s’agit là, d’ouvrir nos capteurs au langage d’un monde qui n’a pas choisi les mots, qui a préféré les relations aux mots, les adaptations ou les mouvement à la fixité.

Qu’on puisse employer ce qu’on nomme tristement la nature, mais qu’elle ne soit par contre jamais exploitée.
J’aime l’idée de prélèvement et de cueillette, on puise dans la flore de quoi soigner ses maux, de quoi goûter le monde. J’aimerais prélever dans les végétaux de quoi voir.

La lumière solaire est palpable dans les sucres que contient la plante qu’on s’apprête à manger. La lumière survit au processus de photosynthèse, elle change de forme, elle s’ajuste à son nouveau contenant qui est la chlorophylle.

Quand on filme, en argentique, tout du moins, la lumière est aussi ce qu’on souhaite fixer, capturer, peut-être vit-elle encore sous une autre forme, dans les sels d’argent qu’elle a noircit. Peut être aussi qu’elle y meurt parce qu’elle est exploitée, et capturée par des matériaux qui ne sont pas aussi nobles qu’elle.

J’ai bien envie de faire un film qui ne soit que lumière et respect, pour qu’il puisse beaucoup contenir et se charger encore par la suite, tandis qu’il diffusera en même temps.
Mais il faut pour cela du temps, qui est celui du vivant, de la pousse des plantes, des rayons et des éclaircies.

Je tisse du lin dans mon atelier de Navarre, et avec ce lin, j’ai bon espoir de tisser le support pellicule du film que je souhaite faire.
Je développe des films argentiques avec pour uniques ingrédients de l’eau de mer, des orties fraîches, de la cendre
Je vois tout un tas de liens entre le cinéma argentique et le tissage, des liens qui sont autant poétiques que gestuels, autant politiques que techniques.
Puis, je me dis que faire du lien est un acte important s’il permet de nouvelles lectures, de nouveaux usages et des espaces de liberté.


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︎︎︎Résidence portée par la réciproque
︎︎︎Journal de résidence