Calypso Debrot au FRAC Méca : le proche et le sauvage
PAR EMMA DUQUET ·
Depuis le 16 novembre 2024, le FRAC Méca Nouvelle-Aquitaine ouvre ses portes à une nouvelle génération d’artistes avec l’exposition « Primavera, Primavera ». On y croise une quarantaine d’œuvres comme des archipels pour penser collectivement les manières de créer, agir et lutter dans un monde où le retour du printemps est menacé.
Parmi elleux, Calypso Debrot, artiste pluridisciplinaire née en 1990 qui vit et travaille aujourd’hui au creux des Pyrénées, expose trois œuvres issues de gestes partagés.
Sur les hauts murs blancs sont exposées « Quitter le naturalisme », deux toiles créées à quatre mains avec sa fille Olga, 8 ans, teintes et peintes avec des matériaux naturels. S’y dessinent les empreintes de plantes cristallisées au cyanotype sur des tissus de récupération aux couleurs délavées, ayant dormi quelques nuits dans la forêt ; un patchwork où s’entremêlent flores et faunes résistant aux assauts du Round Up – herbicide notoire.

Calypso Debrot © Jean-Christophe Garcia
Essaimés dans les recoins de l’exposition se récoltent aussi les affiches-manifestes poétiques du collectif Bientôt Fini (composé de Clémentine Beth, Lucile Genin, Maya Paules, Lucie Schneider et Calypso Debrot) qui tâtonne dans les marges du dictionnaire pour élargir les définitions closes des « choses communes » –terme emprunté au titre du projet. Réinventer les mots moins parce que l’on sait d’eux que par ce qu’ils nous évoquent de sensible ; ce que l’on sent, goûte et touche en leur présence. On lit alors d’« Enfance », terme inscrit en capitales sur l’affiche imprimée en risographie aux motifs jaune vif, qu’il est « un petit âge cru », une « expérience qui se déplie », « des couleurs qui entrent et deviennent tentatives ».

© collectif bientôt fini x frac nouvelle-aquitaine méca x studio fidèle
Enfin, dans le secret d’une salle obscure au fonds de l’exposition, deux bouts de son journal filmé illimité (l’artiste filmant quotidiennement) rencontrent les yeux du public pour la première fois. L’Année Cognée (de août 2022 à octobre 2023) et Les percées (de novembre 2023 à octobre 2024), bricolés avec un caméscope mini-DV, montrent le « peu de choses » d’une vie qu’elle filme « un peu tout le temps[1] », les liens qu’elle tisse entre le sauvage environnant, les amitiés persistantes, les foules chantantes et les grâces éphémères.



Un aperçu du travail important de cette artiste discrète, qui circule dans les marges de l’institution artistique et porte son regard sur les gestes insignifiants et les choses de peu d’éclat, pourtant aussi résistantes que des forêts.
L’exposition « Primavera, Primavera » est à découvrir jusqu’au 25 mai 2025 au FRAC Méca Nouvelle-Aquitaine de Bordeaux, 5 Parvis Corto Maltese.
Commissariat d’exposition par Karen Tanguy et Émeline Vincent.

Affiche de l’exposition “Primavera, Primavera”, graphisme Fanette Mellier